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lundi 10 novembre 2008

Chaleur

Nous n’avions plus rien à nous dire… Après les grandes batailles verbales, les grandes joutes oratoires, les crises exacerbées, le silence s’était enraciné, et nous étions comme deux généraux ennemis contemplant côte à côte un charnier encore frais d’une bataille fratricide, d’où ne s’échappent plus que quelques beuglements d’agonie.

Là où nous aurions brandi le poignard des mots, nous n’avions même plus la velléité d’émettre un soupir de mécontentement.

Nos corps s’étaient refroidis et ne trouvaient plus la force de réchauffer l’autre.

Nous nous étions engourdis lentement, sans même nous en rendre compte, et nous guettions d’un œil hagard qui de nous deux finirait par s’effondrer de lui-même.

C’est elle qui est partie en premier. Elle n’a pas su attendre. Un jour de grand vent, alors que nous marchions d’un pas silencieux le long des falaises du cap Gris Nez, elle s’est arrêtée et m’a souri timidement. Ses cheveux noirs battaient le vent et je l’ai trouvé tragiquement belle. Elle n’a pas sauté, elle s’est juste laissé tomber. Je n’ai pas entendu de cris, le vent m’a certainement volé ses derniers soubresauts.

Cette victoire sans reddition me laisse comme un goût d’inachevé, comme une guerre sans vainqueur.

Parce que nous avons cru que nous pourrions atteindre la lumière, parce que nous avons eu l’imprudence de nous sentir invulnérable, parce que nous avons trahi nos idéaux et renoncé au changement, nous avons construit sur un cimetière. Nous avions arque bouter nos corps dans une hypnotique transe, vers le soleil, la chaleur, la lumière, l’obsession de l’espoir, car nous ressentions cette magnifique envie intime de croire.

En vain. Pour toujours. Comme toujours.

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